Chaude et grave, lyrique et "noueuse comme un pied de vigne", la voix de Jean Ferrat est entrée dans les foyers français en 1964 avec La Montagne. L'époque était au règne des copains sur les transistors, au twist et au yé-yé, au consumérisme de l'american way of life. A contre-courant, Jean Ferrat, mort samedi 13 mars en début d'après-midi, à l'âge de 79 ans, à l'hôpital d'Aubenas (Ardèche), toucha le pays avec sa chronique douce-amère de l'exode rural, dénonçant les mirages du progrès, du "Formica et du ciné".
Avec son hautbois mélancolique, La Montagne est restée (bien avant l'avènement de Francis Cabrel) comme l'une des premières manifestations de l'écologie en chanson, critique de la malbouffe comprise - le fameux "poulet aux hormones" final. Elle rivalise en popularité avec Ne me quitte pas ou Prendre un enfant par la main.
Les Français ont souvent préféré ce Ferrat-là, jeune et séducteur, à l'autre, jugé caricatural, le chanteur engagé avec sa moustache grise et ses coups de gueule contre la censure et la dictature du Top 50. Jean Ferrat fut parfois honni, essentiellement en raison de son compagnonnage avec le Parti communiste. Un compagnonnage critique, pourtant, avec ce parti dont il n'a jamais été membre. Peu importe, ses chansons, à quelques tracts près, ont résisté à la chute du mur de Berlin.
On pourra lui reprocher de s'être trompé comme bien d'autres, mais on ne pourra pas mettre en cause sa sincérité et son honnêteté. Né le 26 décembre 1930 à Vaucresson (Hauts-de-Seine), Jean Tenenbaum était un authentique fils du peuple, quatrième et dernier enfant d'un artisan joaillier et d'une fabricante de fleurs artificielles. En 1942, le bonheur familial est renversé par le vent tragique de l'Histoire : le père est déporté et mourra à Auschwitz. L'enfant, âgé de 11 ans, est sauvé par des militants communistes.
Plus de vingt ans plus tard, après avoir vu le film éponyme d'Alain Resnais (1956) Jean Ferrat écrira la chanson Nuit et Brouillard, à la mémoire de "Jean-Pierre, Natacha ou Samuel", ces hommes devenus des "nombres" : "Je twisterais les mots s'il fallait les twister/Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez." Les autorités officielles déconseillent le passage de la chanson sur les radios et à la télévision. Elle sera pourtant un succès et aura contribué au début d'une prise de conscience sur le rôle de la France dans la déportation.
Ironie des hasards biographiques, l'auteur de La Commune, éloge des ferronniers, menuisiers et forgerons, écrit à l'occasion du centenaire de l'insurrection parisienne, a grandi à Versailles. Il doit interrompre sa scolarité au collège Jules-Ferry pour subvenir aux besoins de sa famille. Employé dans un laboratoire de chimie du bâtiment, il monte timidement sur les planches et fréquente le Théâtre national populaire (TNP) de Jean Vilar. En même temps, il s'essaie à la guitare, d'abord dans un orchestre de jazz. Rebaptisé Jean Laroche - il optera ensuite pour Ferrat, en référence à Saint-Jean-Cap-Ferrat -, il intègre le circuit des cabarets parisiens, le Riverside, la Rose rouge, Milord l'Arsouille, l'Echelle de Jacob, la Colombe, en empruntant son répertoire à Yves Montand.
En 1956, André Claveau, fort populaire à l'époque, a enregistré Les Yeux d'Elsa, la première adaptation par Ferrat d'un poème d'Aragon. D'autres suivront jusqu'à la rencontre, en 1961, du chanteur et de l'écrivain. Jean Ferrat est complimenté par l'auteur alors qu'il n'a pas hésité à retrancher, élaguer ou isoler ses vers pour en faire des refrains.
Comme interprète, Jean Ferrat devra attendre 1960 pour sortir de l'anonymat. Son deuxième 45-tours contient Ma môme, une romance populiste qui glorifie la France laborieuse et morale des petits, attachée aux bonheurs simples : "Ma môme, ell' joue pas les starlettes/Ell' met pas des lunettes/De soleil/Ell' pos' pas pour les magazines/Ell' travaille en usine/A Créteil." Même si les paroles ont été écrites par Pierre Frachet, ce titre est déjà représentatif du style de Ferrat, qui mêle souvent dans une même chanson sentiments amoureux et commentaire social, sinon politique.
La chance lui sourit. Son premier album 25 centimètres est couronné en 1963 du Prix de l'Académie du disque Charles-Cros. Sa musique accompagne en 1965 les films La Vieille Dame indigne, de René Allio, et Le Coup de grâce, de Jean Cayrol, à propos de l'expérience de la déportation à Mauthausen du poète et éditeur.
Deux femmes contribuent grandement à l'ascension de Ferrat en reprenant ses premières chansons : Zizi Jeanmaire, qui lui ouvre les portes de l'Alhambra, le music-hall de Maurice Chevalier, et Isabelle Aubret (Deux enfants au soleil), qui partage ses sympathies politiques. Dès ses débuts, Jean Ferrat fait équipe avec l'éditeur Gérard Meys, son directeur artistique, et avec l'orchestrateur Alain Goraguer.
Démêlés avec la censure
Après Léo Ferré et Jacques Brel, il a signé un contrat en 1963 avec l'éditeur phonographique Eddie Barclay. "Je ne lui demande pas pourquoi il a l'idée saugrenue d'être communiste, avait commenté le nabab séducteur, il ne m'interroge pas sur mes goûts excentriques." A la mort de Barclay, en mai 2005, Jean Ferrat avait déclaré au Monde : "Il ne s'est en aucun cas immiscé dans mes disques. Il y avait une sorte d'accord entre nous. J'étais loin de son monde et lui du mien. Il m'invitait à ses mariages, mais je n'y suis jamais allé."
Potemkine, en 1965, vaut à Ferrat ses premiers démêlés avec la censure. Cette chanson est victime d'un malentendu : elle est perçue comme une ode à la révolution bolchevique - au moment de la "normalisation" brejnévienne -, alors qu'elle célèbre la révolte des marins du célèbre cuirassé... pendant la révolution de 1905, et par là même le film d'Eisenstein Le Cuirassé Potemkine. Invité à l'émission télévisée "Age tendre et tête de bois", Jean Ferrat doit renoncer à l'interpréter, ce qui ne l'empêchera pas de devenir un classique des carnets de chants scouts.
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