Le label mythique vit une jeunesse dorée...
Comme les superhéros, les ninjas n'avancent pas forcément masqués. Derrière Ninja Tune, le label indépendant de musique, deux figures identifiables, Jonathan Moore et Matt Black. les membres de Coldcut, groupe de DJ passionnés qui mixait jazz, house et hip-hop sur les platines dès la fin des années 1980. Lors d'un voyage au Japon, ils trouvent le nom de leur label: «Les ninjas construisent ces maisons où ils ont des trappes pour disparaître et réapparaître autre part. Ils sont tout d'artifices et d'identité secrète.*»
Vingt ans après, Ninja Tune est sorti de l'ombre, même s'il brouille toujours les pistes. Il fête son anniversaire à travers le monde (Londres, Tokyo, New York…), et fait escale plusieurs soirs à Paris avec un beau line-up: Bonono, DJ Vadim, Speech Debelle, The Herbaliser, Four Tet…
« Ce fantôme qui hante le hip-hop »
Présent au festival, Roots Manuva, qui vient de sortir Duppy Writer, album de reprises dub de ses propres morceaux. «Dub, au sens propre, ça veut dire réenregistrer, raconte le rappeur britannique. Le style remonte à l'époque où l'ingénieur du son n'avait pas les moyens de se payer un groupe pour réaliser la face B d'un disque. Alors, il bidouillait avec les outils du studio, il rehaussait les basses, ajoutait des échos et des distorsions…» Pour qualifier l'album, Roots Manuva livre sa définition de «Duppy»: « Duppy, ça veut dire fantôme en patois jamaïcain. C'est ce fantôme qui hante le hip-hop, c'est-à-dire le reggae et toute la tradition du sound system.»
Andreya Triana, nouvelle voix soul
Le hip-hop est inscrit dans l'ADN de Ninja Tune, plus précisément «sa pratique de fusion des genres musicaux et découpage sonore», explique Peter Quicke, l'actuel directeur du label. Le label n'a jamais cessé de s'affranchir des étiquettes: trip-hop, jazz, drum'n'bass, rock… «Ce qui m'excite le plus en ce moment, poursuit Peter Quicke, c'est le dubstep, une révolution dans la musique électronique, avec des artistes comme Eskmo, Dorian Concept, the Bug…»
N'empêche… Ninja Tune a sorti fin août un disque dans la pure veine soul, le premier disque de la jeune Anglaise Andreya Triana. Son Lost Where We Belong, délicat et poignant, la situe aux côtés des Amy Winehouse et Jill Scott. Lost Where We Belong évoque sa recherche d'identité: on comprend qu'elle ait été accueillie à bras ouverts. «Pourtant, je détonne au milieu de ces mordus de beats, s'amuse-t-elle. En plus, je suis l'une des rares filles sur ce label. Mais Ninja Tune, c'est comme une famille.» Les dernières fois qu'elle était venue à Paris, c'était pour accompagner le chasseur de rythmes Bonobo. Le 15 septembre, c'est elle qu'on applaudira en live au Festival Ninja Tune.
Un son à regarder
Mais Ninja Tune, c'est aussi un son à regarder. Graffs, collages, photomontages… Les arts visuels ont toujours imprégné les pochettes d'albums, qui ne doivent pas laisser indifférents. «C'est d'autant plus important que l'industrie musicale a changé. C'est plus facile de diffuser sa musique, mais plus dur d'être remarqué», note Peter Quickie. Fred Elalouf, représentant de Ninja Tune en France, insiste sur cette «iconographie qui va de pair avec musique révolutionnaire et sophistiquée.» La plus belle pochette, selon lui, est celle de l'album ambient Fast Asleep, où «les claviers vintage forment le nom de Funki Porcini. Elle reflète bien le côté studio freaks de ces artistes.»
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